Une guitare jouée par Django Reinhardt aux enchères…

Montage photo avec à gauche Django Reinhardt jouant une guitare Levin et à droite, cette même guitare prise récemment en photo.

Vous avez sûrement déjà vu cette sublime série de photos de Django Reinhardt prise à New York lors de sa tournée en 1946 au sein de l’orchestre de Duke Ellington ? On peut y voir Django Reinhardt poser ses mains sur une guitare Levin De Luxe, prêtée pour l’occasion par Fred Guy, guitariste alors attitré de Duke Ellington.

FG29YH DJANGO REINHARDT /n(1910-1953). Belgian jazz musician. At the Aquarium in New York City. Photograph by William P. Gottlieb, c1946.

Mise en vente à plusieurs reprises ces dernières décennies, cette guitare fabriquée aux alentours de 1938 a été proposée à nouveau aux enchères via le site propstoreauction.com mais n’a pas réussi à partir, en tout cas pas au tarif souhaité par le vendeur qui a préféré annuler la vente. Peut-être que le prix de réserve élevé (autour de 70 000 livres anglaises) a dissuadé les amateurs d’acquérir une guitare n’ayant jamais appartenu à Django. Le prix était pourtant monté aux alentours de 65 000 livres…

Quels médiators jouait Django Reinhardt ?

Photo d'une boîte à bijou contenant un mediator en écaille de tortue ayant appartenu à Django Reinhardt

Le médiator ( aussi dénommé mediateur, plectre, plume…) est un objet de tourment et de fantasme permanent chez les guitaristes, trop souvent envisagé comme un Graal qui ouvrirait instantanément les portes de la virtuosité.

C’est en tout cas l’espoir secret de beaucoup d’entre eux et les amateurs de jazz manouche ne font pas exception. On se souvient du raz-de-marée de médiators Dunlop Tortex violets qui a submergé la communauté jazz manouche après que de fébriles scrutateurs l’aient repéré sous les doigts de Biréli Lagrène lors de la publication en 2004 du DVD culte, « Live à Vienne ». L’on n’ose alors imaginer les réactions à la découverte des plectres du grand Django Reinhardt. Roulement de tambour… La fébrilité et les coulées de sueurs s’installent.

Grâce à quelques saintes reliques et témoignages, tentons de trouver une réponse à cette question existentielle.

Il existe une constante en jazz manouche pour le choix du médiator, à savoir : disposer d’un plectre suffisamment rigide pour qu’il ne plie pas. En dehors de cela, vous lirez ou entendrez énormément d’avis différents, principalement motivés par des ressentis, croyances ou considérations commerciales diverses. Pour faire le point et lever certains mythes, vous pourrez d’ailleurs bientôt lire ici un article à ce sujet. Mais alors ? Que pouvait donc bien utiliser Django Reinhardt ?

Jusqu’à l’arrivée des médiators en matière synthétique au courant du 20e siècle (PVC, nylon…), la plupart des plectres étaient fabriqués en écaille de tortue ou en corne. La bakélite, un plastique aux composants naturels, pouvait être utilisée à l’occasion. L’écaille de tortue a cependant l’avantage de produire un son clair, équilibré et puissant tout en absorbant la transpiration, ce qui favorise sa tenue et réduit les glissements. Aujourd’hui quasiment interdit à la vente, cette matière était à l’époque de Django onéreuse mais courante.

Comme tous les musiciens de son temps, Django utilisait ce type de médiator. Il jouait sur une guitare acoustique, non amplifiée, dans un contexte de danse ou entouré d’instruments très sonores comme l’accordéon ou le violon. Il avait par conséquent besoin d’un médiator rigide, ne pliant pas, afin d’exploiter au maximum les possibilités acoustiques de sa guitare.

Plusieurs témoignages issus de sa famille ou de ses contemporains musiciens rapportent qu’il s’était déjà fabriqué des médiators. C’est plus que probable car de nombreux guitaristes (en particulier manouches) en font autant. On sait de plus que Django était très habile de ses mains pour toutes sortes d’activités.

Selon certains témoignages, faute de médiator, Django aurait même joué avec une dent de peigne pendant plusieurs jours durant un engagement sur la côte normande ! Quelques boutons en corne, provenant de veston ou de pantalons, ont paraît-il fait l’affaire plusieurs fois. Toujours est-il que plusieurs reliques subsistent aujourd’hui.

La première relique fut conservée par l’historien et Djangologiste Alain Antonietto. Elle lui fut léguée par Sara « Tsanga », une des soeurs de Django Reinhardt. Ce plectre finement décoré a probablement été fabriqué à partir d’une boîte, d’un peigne ou d’un accessoire. La présence de deux petits trous, sans aucune utilité sur un médiator, laisse penser qu’il s’agit de récupération. La couleur de l’écaille est a priori claire (ou « blonde ») et la pointe est légèrement abîmée par un éclat manquant.

Il est intéressant de signaler que selon Alain Cola (créateur des guitares Dell’Arte), Roger Chaput en possédait un similaire. Chaput, ancien pompiste du Hot Club de France, s’en servait sur une guitare classique à cordes nylon. Lorsqu’ Alain Cola demanda un jour à Chaput où il avait acheté ce plectre, ce dernier répondit : « C’est un médiator « à la Django » « .

1. Un médiator ayant appartenu à Django Reinhardt /Collection Alain Antonietto

Le second médiator de Django dont nous avons connaissance est très intéressant car il fut conservé par Stéphane Grappelli en personne avant qu’il ne l’offre à Martin Taylor. On remarque sur une video (vers 6’30) que ce médiator a été recollé (Martin Taylor le compare d’ailleurs à un coeur brisé). Outre une épaisseur visiblement généreuse et une apparence rustique voire « fait maison », l’élément le plus notable est sa conception à trois pointes. Chacune des extrémités présente une usure ou une taille différente. Ces pointes ont-elles été façonnées à dessein, avec des profils spécifiques pour le solo ou pour l’accompagnement ? Le fait d’avoir trois pointes permettait en tout cas de prolonger la durée de vie du plectre qui n’en dispose la plupart du temps que d’une seule.

Photo d'un médiator recollé ayant appartenu à Django Reinhardt,.
2. Médiator de Django Reinhardt transmis par Stéphane Grappelli à Martin Taylor.

Clôturons le tryptique avec ce troisième exemple dont la marque Manouche Picks propose des reproductions disponibles à la vente. A en croire les dimensions annoncées, ce médiator de Django Reinhardt tiendrait plus du bouton de veston que du médiator : il est très épais (au moins 4mm) et assez petit (27 x 28mm). Jokko Santing, fondateur de Manouche Picks donne quelques éclairages intéressants sur l’origine de ce médiator. Lullo Reinhardt avait hérité de l’original et le confia à Jokko pour en produire une copie. Celui-ci précise qu’il a en fait pu observer non pas un mais deux médiators originaux ! Leur authenticité lui a été confirmé par plusieurs membres directs de la famille de Django.

Photo sur fond blanc de la copie d'un médiator ayant appartenu à Django Reinhardt. la couleur translucide et tachetée évoque l'écaille de tortue.
3. Reproduction d’un médiator ayant appartenu à Django Reinhardt / Manouche Picks

A la vue de ces trois spécimens, un faisceau d’indices pointe donc vers un recours régulier à un plectre d’une épaisseur minimale d’environ 1,2 / 1,5 mm et pouvant aller jusque 4 mm. Cette épaisseur pouvait toutefois être encore plus conséquente, selon ce que Django avait sous la main !

Nouvelle photo « inédite » de Django Reinhardt

Photo de Django Reinhardt habillé en Matelot sur scène dans un cabaret avec son frère, Louis Vola et Roger Chaput en 1931 à Cannes
Photo parue dans Comoedia le 4 septembre 1931

L’émérite musicien, historien et musicologue de Jazz, Philippe Baudoin, vient de partager cette photo rare de Django Reinhardt. Exhumée après 92 ans, elle fut prise en 1931 à Cannes, au cabaret « La boîte à matelots » pour un article dans la revue Comoedia. On peut y voir de gauche à droite : Django Reinhardt (sur la fameuse guitare à double pan coupé Gomez Ramirez, hébergée au musée de la musique de Paris), Louis Vola (probablement car mentionné sur la photo mais peu reconnaissable ), Joseph « Nin-Nin » Reinhardt et Roger Chaput selon toute vraisemblance.

Outre sa nouveauté, l’intérêt de cette photo est de représenter Django Reinhardt au moment de sa vie où il découvre vraiment le jazz. Ce tournant décisif se produit grâce à une séance d’écoute de disque impromptue lors de sa rencontre avec le peintre et photographe Emile Savitry à Toulon. Django entendit Louis Armstrong, Duke Ellington… Le choc esthétique fut si grand qu’il prit sa tête dans ses mains et se mit à pleurer.

The emeritus jazz musician, historian and musicologist Philippe Baudoin, has just shared this 1931 photo, taken in Cannes at the cabaret « La boîte à matelots ». Unveiled after 92 years, we can see from left to right: Django Reinhardt (playing the famous double cut-away Gomez Ramirez guitar, housed at the Musée de la musique de Paris), Louis Vola (mentioned in the photo but not very recognizable), Joseph « Nin-Nin » Reinhardt and Roger Chaput (in all likelihood). This photo was to be published in Comoedia, september 4, 1931.

Besides its novelty, the interest of this photo lies in its capture of Django Reinhardt at the time of his life when he really discovered jazz, thanks to an impromptu record listening session during his meeting with the painter and photographer Emile Savitry, in Toulon.

Quand Line Renaud évoque Loulou Gasté et Django Reinhardt : Saint-Louis Blues, le train bleu, les jam-sessions…

Photo noir et blanc de Django Reinhardt, Loulou Gasté, Line Renaud, Hubert Rostaing

Dans cette interview d’octobre 2020 au micro de Jean-Baptiste Tuzet, Line Renaud évoque quelques souvenirs des bons moments passés avec son mari Loulou Gasté et leur copain Django Reinhardt. On y apprend notamment quelques détails sur l’enregistrement de « Saint-Louis Blues » et « Bouncing Around ». Cet enregistrement mythique n’était en fait pas prévu ! Django Reinhardt et Loulou Gasté ont improvisé cette séance, juste après avoir enregistré le même jour (9 septembre 1937) aux Studios Pathé pour l’orchestre de Philippe Brun.

Line Renaud évoque également de beaux souvenirs lorsque Django venait chez elle et Loulou pour jammer. Elle se rappelle également de leurs voyages en Côte d’Azur dans le train bleu pour participer à l’émission de radio de Maurice Chevalier « This is Paris ».

https://podcast.ausha.co/crooner-and-friends/line-renaud-episode-2-loulou-gaste-et-django-reinhardt

In this october 2020 interview, french singer and actress Line Renaud talks to Jean-Baptiste Tuzet about her fond memories of her husband Loulou Gasté and their friendship with Django Reinhardt. We can for instance hear some interesting details about the recording of « Saint Louis Blues » and « Bouncing Around ». This legendary recording was not scheduled at all! Django and Loulou just finished a session for Philippe Brun’s orchestra in the Pathé Studios on september 9, 1937 and decided to record these two tunes on the spot.

Line Renaud also remembers intimate jam-sessions with Django and Loulou at home. She also recalls long train trips to the Cote d’Azur for Maurice Chevalier’s « This is Paris » radio show. They spent most of their time in this famous train line playing music or cards.

Disparition d’Alain Antonietto, l’historien de référence de Django Reinhardt et du jazz manouche.

Alain Antonietto jouant de la guitare dans un appartement

Je viens de perdre un ami. Tous les amoureux de Django et du jazz manouche, de la musique tsigane, du be-bop, du cool viennent de perdre un ami. Alain Antonietto était un passionné, érudit, historien de ces musiques. Vous ne le connaissiez peut-être pas mais il a fait tellement pour l’héritage culturel de Django Reinhardt et du jazz manouche. C’est peut-être grâce à lui que vous êtes tombés dedans, tant il a fait pour promouvoir cette musique et connecter ses amateurs entre eux.

Il est l’auteur du livre « Rhytmes futurs », à mon sens la biographie la plus complète de Django Reinhardt.

Recherches, articles, projets divers… L’émotion me limite dans des mots et mes souvenirs si nombreux. Il a aidé tant de musiciens, de labels, il a écrit pour « Etudes tsiganes », il a cherché et rassemblé tant de choses sur Django.

Je l’ai rencontré en 2003 grâce à Daniel Richard (merci encore Daniel). Notre premier coup de fil a duré 2 heures. J’étais fasciné, il m’a donné accès à un monde insoupçonné. Nous avons travaillé sur le coffret Django Reinhardt Retrospective 1934-53 et puis sur d’autres projets, certains malheureusement avortés (documentaire sur Django dont de nombreux rush subistent peut-être), d’autres volés (nous avions proposé en premier l’exposition sur Django à la cité de la musique, heureusement Alain fit partie de l’équipe finale).

Jusqu’à il y a quelques années, la quasi totalité de la scène manouche lui envoyait ses productions pour conseil, approbation ou simple remerciement. Il n’était pas médiatisé mais incontournable.Il partageait tant de choses avec tous les passionnés : enregistrements, documents, photos, informations… Le monde de la Djangologie et du jazz manouche lui doit énormément.

Il démystifiait aussi beaucoup de choses du passé auprès des jeunes générations.

Tous ses amis savent combien il était prolixe et généreux avec les lettres qu’il envoyait régulièrement : personnalisées, pleines d’humour, d’enthousiasme et d’espièglerie. C’était un véritable travail à plein temps pour ce professeur de dessin à la retraite toujours si vif d’esprit !

Il était un puits de science sur Django, la référence que tout le monde consultait, il faut le dire. Vous pourrez lire son livre « Rhytmes futurs » pour tout savoir sur Django dont il a connu toute la famille.

Il m’a tant donné et appris à tant de niveaux. Il sera irremplaçable. Il me reste des dizaines de lettres que j’ai gardé précieusement et que je relirai, comme si elles venaient d’arriver au courrier… promesse renouvelée de sourires, de bienveillance, de connaissance et d’esprit.

Pardonne-moi pour cet hommage maladroit, abîmé par l’émotion. Il y aurait tant d’autres choses à dire sur ta modestie et ta générosité proprement hors du commun.

Cà y est mon vieux, tu vas enfin pouvoir entendre Django dans les nuages. Profites et penses à nous. On se retrouvera.

Alain Antonietto et Patrick Saussois au festival Django Reinhardt de Samois sur Seine en 2003

I just lost a friend. All Django and gypsy jazz lovers just lost a friend. Sorry but exceptionnaly I partially used an automatic translator so that english speaking people can know about him. I’m too sad to do this myself now.

Alain Antonietto was one of the greatest specialists of Django and gypsy jazz (but also bebop, cool jazz, tsigan music). You may not know him, but he’s done so much for this music. It may be because of him that you fell in, he did so much to promote this music, preserve its memory and connect its amateurs with each other.

He is the author of the book « Rhytmes futurs », to me the most complete Django Reinhardt biography.Researches, articles, various projects…

Emotion limits me in words and my memories so many. He helped so many producers and musicians, wrote for « Etudes tziganes », bought and collected so much about Django.

I met him in 2003 thanks to Daniel Richard (thanks again Daniel). Our first call lasted 2 hours. I was fascinated, he gave me access to an unsuspected world. We worked on the Django Reinhardt box set Retrospective1934-53 and then on other projects, some unfortunately aborted (documentary about Django whose many rushe may be lying somewhere), others stolen (we had proposed first the exhibition on Django, fortunately Alain was part of the final team).

Until a few years ago, almost the entire gypsy jazz scene sent him his productions for advice or approval. It was not mediated but unavoidable.He shared so much with all the enthusiasts: recordings, documents, photos, informations… The world of Djangology and Gypsy jazz owes him a lot.

For the younger generations, he also demystified a lot of things from the past.

All his friends know how prolix and generous he was with the letters he regularly sent: personalized, full of humour, enthusiasm and mischief. It was a real full-time job for this witty retired drawing teacher!

He was a well of science on Django, the reference that everyone consulted, it must be said. You can read his book « Future Rhythms » to learn all about Django, of which he knew the whole family.

Alain was a drawing teacher. He gave and teached me so much on so many levels. He will be irreplaceable. I have dozens of letters left, which I have carefully kept and which I will reread, as if they had just arrived in the mail.

Forgive me for this awkward tribute, damaged by emotion. There would be so many other things to tell about your modesty and out of this world generosity.T

That’s it my old friend, you’ll finally be able to hear Django in the clouds. Enjoy and think of us. We’ll meet again.

Alain Antonietto & Matelo Ferré.

Documentaire sur Roger Chaput (Feat. Django Reinhardt)

Visuel des crédits de "Juste avant que j'oublie", Documentaire sur Roger Chaput réalisé par Gilles Réa

Le guitariste de jazz Gilles Rea vient de réaliser un documentaire sur Roger Chaput, guitariste ayant notamment joué dans le Hot Club de France. Visible sur Youtube et richement illustré par de nombreux documents d’époque, ce documentaire est en grande partie basé sur un enregistrement réalisé par Dominique Cravic. Ne vous étonnez donc pas si le visuel du film ci-dessus a des réminiscences d’iconographie primitive et futuriste à la fois (comprenne qui pourra).

Il s’agit donc d’un témoignage sur cassette audio dans lequel Roger Chaput, véritable titi parisien, raconte sa carrière de musicien. Remise en contexte, anecdotes savoureuses, astuces du « métier », évocation de Django Reinhardt… Découvrez-le ici sur Youtube.

Pensez aussi à visiter le site de Gilles Rea (mine d’or pédagogique autour de la guitare jazz proposant de nombreuses transcriptions) et à soutenir ses initiatives en faisant un don.

French jazz guitarist Gilles Rea has just finished a documentary about Roger Chaput, former Quintette of the Hot Club of France member. Available on Youtube, this documentary is illustrated with heaps of documents from the musette and swing era. It is based on an audio recording of Roger Chaput made by another guitarist, Dominique Cravic (leader of the famous Primitifs du futur band).

In this audio cassette recording, Roger Chaput tells about his career as a musician with a delicious parisian accent (french speakers will appreciate). Context, anecdotes, musician tips and tricks, memories of Django Reinhardt… You can watch it on Youtube.

Please also visit Gilles Rea’s website (a jazz guitar material goldmine, with heaps of transcriptions) and to support him by making a donation.

Photos et documents inédits de Django Reinhardt !

DJango Reinhardt et Dizzy Gillespie à Bruxelles, la rose noire en 1953

1. Des découvertes régulières

On ne se lassera jamais et l’on ne cessera de s’étonner que la source de documents inédits (ou exhumés) concernant Django Reinhardt ne soit pas encore tarie. L’artiste est décédé en 1953 et pourtant, régulièrement, des photos continuent à refaire surface pour la plus grande joie des aficionados et des collectionneurs. Hélas, à l’instar de Charlie Parker, les découvertes de nouvelles images filmées restent aussi rares qu’une pluie dans le désert d’Atacama. Bref, les photos, disions-nous… Voici une série d’inédits mis au jour depuis l’été 2020 et janvier 2021.

We will never be bored nor stop being astonished that previously unseen or rare Django Reinhardt documents’ well still didn’t dried up. The arstist died in 1953 and yet, regurlarly, photos keep resurfacing to the greatest delight of fans and collectors. Alas, as for Charlie Parker, finds of new film footage remain as scarce as rain in the Atacama desert. Here is a series of previously unseen documents discovered beetween summer 2020 and january 2021.

2. Photos inédites de Django Reinhardt

Commençons par cette photo vue par Guillaume Lesigne sur Ebay en mars 2021 et qui représente Django Reinhardt, tout sourire devant l’affiche de son concert imminent au cinéma Le Cameo, 32 Boulevard des Italiens dans le neuvième arrondissement de Paris. Le grain de la photo, de mauvaise qualité, pourrait laisser penser à photo d’écran ou à une image tirée d’un film. Quoiqu’il en soit, voici le cliché d’un artiste aux anges et au faîte de sa gloire. En cette période d’occupation, Django Reinhardt était un artiste des plus populaires aux côtés d’Edith Piaf ou de Maurice Chevalier.

Photo du nouveau Quintette du Hot Club de France sur la scène du Cameo, le 22 février 1944. Django Reinhardt joue sur sa guitare Selmer et on reconnaît notamment Emmanuel Soudieux à la basse. Probablement Gérard Levêcque à la clarinette.

Passons maintenant à un contexte beaucoup plus décontracté et familial. Merci à Pierre Vées qui a diffusé sur les réseaux sociaux ce cliché privé de Django aux côtés de la famille de Tchavolo Vées (frère d’Eugène « Ninine » Vées).

Thanks to Pierre Vées who shared on social networks this photo of Django alongside Tchavolo Vées’ family. Tchavolo was Eugène « Ninine » Vées’ brother.

A présent, attardons-nous sur cette photo découverte par le guitariste Jan Brouwer, publiée sur un site consacré au batteur Al Jones. Ce cliché témoigne d’une rencontre qui mériterait d’inventer la machine à remonter le temps. Il a été pris à la rose noire, club de jazz bruxellois, en mars 1953. Ce club se situait Petite rue des bouchers, à deux pas de la grand place. Il accueilli les plus grands jazzmen de passage à la capitale belge : Count Basie, Charlie Parker, Clifford Brown, Roy Eldridge… ainsi que Dizzy Gillespie et Django Reinhardt. On savait (photo à l’appui) que Django avait rejoint Dizzy sur scène pour jouer « Perdido ». La configuration de cette photo est clairement différente de celle du concert de Gillespie.

Les acolytes ont-ils jammé au club après le concert de Dizzy ? Etait-ce dans le cadre d’une programmation à « la rose noire » ? S’étaient-ils revus lorsque Gillespie a joué quelques semaines auparavant, le 9 février, à Paris (Salle Pleyel) ?

Let’s now take the time to look at this picture discovered by guitarist Jan Brouwer on a website dedicated to the drummer Al Jones. This photo is a testimony of an encounter worth the invention of a time machine. It was taken at « la rose noire » (the black rose), Brussels jazz club, in March 1953. This club was located Petite rue des bouchers, close to the main square. It welcomed the greatest jazz musicians that toured the Belgian capital in the 50’s: Count Basie, Charlie Parker, Clifford Brown, Roy Eldridge… as well as Dizzy Gillespie and Django Reinhardt. We knew (photo supported) that Django had joined Dizzy on stage to play « Perdido » during one of the trumpettist’s concert. The configuration of the venue is clearly different to the one of the Gillespie concert. Did they jam in this club after Dizzy’s concert? Was it for a gig? Did Django and Dizzy met when Gillespie played at the Salle Pleyel in Paris a few weeks before on february 9th?

3. Articles et interviews

Remercions à présent Antoine « Gatsby » du site « djangoreinhardtdanslapresse » d’avoir déniché ces documents oubliés depuis leur parution ! Ils ont été publiés par le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France. N’hésitez pas à aller y jeter un oeil pour puisque les découvertes sont encore possibles !

Voici tout d’abord un article réjouissant, avec photo, paru dans « Compagnons » le 10 septembre 1942 :

Let us now thank Antoine « Gatsby », from the « djangoreinhardtdanslapresse » website, for finding these documents, never seen again since their publication! They were published by Gallica, the Bibliothèque Nationale de France (French national library) website. Don’t hesitate to take a look at it since discoveries are obviously still possible!

First, here is a delightful article, with a photo, published in « Companions » on september 10th, 1942:

Ensuite, un cliché de Django et son premier fils Lousson, s’amusant avec un 3e homme. Lousson joue sur une guitare à 4 cordes. On devine l’emblème des Etats-Unis sur le mur. Paru en 1948.

Now for a picture of Django and his first son Lousson, having fun with a third man. Lousson is playing a four stringed guitar. We can see a part of the United Sates emblem on the wall. First published in 1948.

4. Un document exceptionnel – le programme du premier festival de Jazz au monde, autographié par les légendes du jazz.

Ce programme du festival de jazz de Nice de 1948 (premier festival de jazz au monde !) à de quoi faire rêver… On y reconnaît, entre autres, les signatures de Louis Armstrong, Django Reinhardt, Stéphane Grappelli, Hugues Panassié, Mezz Mezrow, Baby Dodds, Lucky Thompson…

This 1948 Nice Jazz festival program (first ever jazz festival in the world!) is something to dream of… We can identify, among others, the signatures of Louis Armstrong, Django Reinhardt, Stéphane Grappelli, Hugues Panassié, Mezz Mezrow, Baby Dodds, Lucky Thompson…

D’où vient le nom du morceau « R26 » ?

Cette photo a été prise chez Robert et Madeleine Perrier à Montmartre, sur l’actuelle place Marcel Aymé. Robert et Madeleine étaient les parents de Jacotte Perrier qui avait chanté et enregistré quelques titres, durant son enfance, avec le Quintette du Hot Club de France. « Ric et Pussy« , « Les salades de l’oncle François« … Un répertoire destiné au jeune public.
. L’appartement était au sixième et dernier étage. Le Quintette venait y répéter de temps en temps. Robert et Madeleine Perrier y donnaient souvent des fêtes. Mode, musique, peinture… une communauté entière d’artistes et de créateurs laissaient libre court à leur fantaisie dans la bonne humeur la plus totale. Stéphane Grappelli aimait s’installer au piano, en duo avec la guitare de Django. Ce dernier, on le sait, parlait très peu mais la rareté de ses mots était semble-t-il compensée par un rire aux éclats irrésistibles et communicatifs. C’est du moins de cette façon que Jacotte nous l’a remémoré.

Ce point de rendez-vous avait donc pour adresse la place Marcel Aymé (où trône une statue du Passe-muraille réalisée par Jean Marais). La rue portait un autre nom à l’époque (rue Norvins) et l’immeuble portait le numéro 26. Chez Robert, au 26. Ainsi fut nommé le morceau « R26 » !

Jacotte Perrier a vécu là toute sa vie. Durant les beaux jours, elle laissait les fenêtres ouvertes et un moineau du quartier lui rendait souvent visite. Sa coupelle de graines l’attendait dans le salon. J’ai eu la chance de la rencontrer avec Didier Portal et Alain Antonietto. Elle chérissait cet appartement, encore rempli d’oeuvres des grands artistes de Montmartre. Gen Paul était leur voisin tout comme Maurice Utrillo et tant d’autres… Chaque année, des étudiants étrangers résidaient chez Jacotte Perrier qui avait à coeur de les initier à la culture française.
Après l’avoir interviewée et discuté avec elle, nous lui avions fait visionner le court-métrage « Jazz Hot » qu’elle n’avait jamais vu. Elle fut très émue et à la fin se tourna vers nous, les larmes aux yeux en confiant : « Vous m’avez rendu mes copains »…

Django par Gen Paul, voisin des Perrier à Montmartre.

The tune « R26 » was composed as a tribute to Robert Perrier. The photo shown above has been taken at Robert and Madeleine Perrier’s appartment (they were the parents of Jacotte, who sang as a teenager with the QHCF) in Montmartre, on the actual place Marcel Aymé.

This appartment was at the 6th floor, overlooking Paris from its very top. Robert et Madeleine used to give parties there, inviting many of their artist friends and accointances from the Paris scene: musicians, fashion designers, painters, poets. All of them could give their creativity and imagination free rein. Stéphane Grappelli loved to sit at the piano and play as a duo with Django’s guitar. The latter, as we know, was a man of few words but his lack of speech was compensated by contagious and irresistible laughters. Well that is how Jacotte remembered it with us.

So the adress of this meeting point was the place Marcel Aymé. Aymé was a french author whose most famous work was a book called the « Passe-muraille » (the « walk- through walls » man). Jean Marais (famous and handsome actor who were a long time the lover of french artist Jean Cocteau) made a sculpture of the « Passe-muraille » which is still present on this place but back in the days, the street was named rue Norvins. There you have it: the building was on the 26 rue Norvins. At Robert’s, 26 rue Norvins. That’s how « R26 » was named!

R26 Happy new year Django
The R-26 society New Year wishing card.

Jacotte lived there her whole life. During spring and summer, she used to let the windows opened so that a sparrow from the neighbourhood could visit her. A cup of seeds was waiting in the living-room for this bird. I had the luck to meet Jacotte with director Didier Portal and chief djangologist Alain Antonietto. She cherished this appartment, still filled with masterpieces from Montmartre’s great artists. Gen Paul was her neighbour as well as Utrillo and many others… Every year, foreign students were staying at Jacotte’s who was dedicated to teach them about french culture.

After having interwied and chatted with her, we made her watch the short movie « Jazz Hot » which she had never seen before. It moved her deeply and she then turned to us, her eyes moisted with tears, saying: « You brought me my friends back ».